Mon chien est dominant... vraiment ?
"Mon chien est dominant". Voilà ce que j'entends encore, de plus en plus rarement cela dit, au téléphone, quand des personnes désemparées m'appellent. Généralement, sous l'étiquette "chien dominant", on trouve des chiens avec des comportements agressifs, avec les chiens et / ou les humains, mais aussi des adeptes du canapé, de la bonne bouffe, des anxieux qui chevauchent... Certains professionnels basent leur approche sur le traitement de la dominance, sous forme de "thérapie de régression hiérarchique", de tout un tas de rituels de la part de l'humain visant à ramener le chien à un "rang inférieur", ayant reconnu la supériorité de l'humain sur lui.
Pourquoi un professionnel me parle de dominance pour mon chien ? Et pourquoi dois-je prouver à mon chien que je suis l'alpha ?
Nous y voilà donc : un grand nombre de professionnels érigent leur approche sur le socle d'une lecture hiérarchiste des comportements canins. Je vous épargne les égarements historiques qui ont popularisé une théorisation construite de cette lecture, pour me concentrer sur l'actuel : parler de chien dominant, c'est avoir une lecture du chien et des relations de façon plus large basée à la fois sur le rapport de force et l'inscription des relations dans une perspective hiérarchiste, c'est à dire soumises à un classement des individus en fonction de leur rang dans le groupe social, rang qui donne droit à des privilèges, à du pouvoir sur les autres, et qui discrimine les autres en fonction de ce rang. Comment sont classés les individus ?
C'est facile, voici un résumé illustrant bien les bases théoriques des personnes qui raisonnent comme ça :
Non, vous ne rêvez pas : le manuel indique bien un classement de rang qui place l'homme (blanc) en haut d'une pyramide qui, évidemment, positionne la femme et les enfants sous lui, et le chien tout en bas. L'utilisation du mot "maître" en dit long, le vocabulaire est le même que celui de l'esclavage, dans lequel des humains s'estimant supérieurs à partir de critères qui bien sûr les avantagent, utilisent d'autres humains pour leurs propres besoins, au détriment de ceux de la personne utilisée.
On sait depuis longtemps que les chiens fonctionnent en groupe sociaux aléatoires, et qu'aucun rapport de force n'est nécessaire pour que cela se passe bien avec eux : c'est même contre-productif, puisque le rapport de force crée toujours du stress (chez tout le monde, d'ailleurs). On sait aussi que les histoires de mâle alpha, de leader du pack ou ce genre de choses ne reposent absolument sur rien de sérieux, et que les chiens vivant dans des familles où on utilise pas de méthodes basées sur la théorie de la dominance vont mieux que ceux où elles sont utilisées. Pas besoin d'être un génie pour comprendre pourquoi, personne n'est heureux et épanoui dans un système oppressif, contrôlant et abusif.
Le mâle alpha : la garantie de pouvoir être abusif et violent en vous légitimant avec une théorie debunkée depuis longtemps
Le mythe du mâle alpha, donc, permet de légitimer des violences. Bien sûr, personne ou presque n'assumera de parler de violences dans un cadre légiféré par une théorie de la dominance : on parlera de nécessité que le chien soit "à sa place de chien" (chez moi, "sa place de chien", c'est dans mes bras, sur mes genoux, affalé sur le canapé sous une couette, mais ça n'est clairement pas la même ambiance chez les adeptes du statut de mâle alpha), de "ne pas se laisser faire", "ne pas laisser le chien prendre le dessus" (le dessus sur quoi, d'ailleurs ?), "montrer qui est le chef, qui commande", affirmer son statut d'alpha, de leader de la meute (les chiens ne vivent pas du tout en meute (une meute est un groupe familial génétiquement parlant, et les différentes familles peuvent rarement se blairer entre elles, de même qu'on intègre pas une famille d'animaux de meute comme ça, contrairement aux chiens qui, si leur socia a été bien faite, peuvent s'intégrer en une seconde à n'importe quel groupe), mais apparemment ça ne pose pas de souci)...
Avec cet auto-proclamé statut de mâle alpha ou de chef de meute (un peu bizarre donc, cela signifie que le chef a un lien génétique direct avec les autres membres du groupe, ce qui a priori n'est pas possible dans un groupe chien-humains), la personne qui s'estime en position de pouvoir va s'attribuer des privilèges tous plus lunaires les uns que les autres : manger avant le chien (et les enfants, et la femme ?), passer les portes en premier (pas pratique avec un chien de service pour non-voyant), avoir le meilleur lit, et plus embêtant, avec droit de faire peur, de faire mal, d'intimider, de brutaliser, sans que l'autre n'ait le droit de se défendre contre ces abus, ces violences (oui, étrangler un chien, le pendre, le plaquer au sol, l'attacher et lui balancer des seaux d'eau à la tronche, parler avec une grosse voix sévère, obliger à faire des choses contre son gré, et j'en passe, ce sont des violences). Vous autoriser à ces choses sur votre chien, votre compagne, vos enfants fait de vous un auteur de violences et aucune justification ne peut retirer cela. Si certains assument d'aimer la violence et de jouir de la souffrance des autres, beaucoup se retranchent derrière des justifications parfois très construites pour légitimer les violences qu'ils infligent aux autres. Evidemment, et c'est documenté (voir Une seule violence, qui n'a absolument rien d'une lubie féministe ou ésotérique), les personnes qui induisent du rapport de force avec leur chien ne s'en contentent pas : ils sont aussi violents, peut-être différemment mais violents quand même, avec leur compagne et leurs enfants a minima, et avec ceux qu'ils considèrent comme inférieurs de façon plus large.
La dangerosité des inepties en éducation canine
C'est documenté aussi : l'approche basée sur la dominance, la hiérarchie, le rapport de force, créent des comportements agressifs chez les chiens. C'est facile à comprendre, c'est ce qu'on appelle la violence réactionnelle, réaction normale et universelle à la violence. La personne qui cherche à "avoir le dessus" sur son chien, à le dominer et à lui prouver qui est le chef va utiliser des leviers basés sur le rapport de force, avec des violences psychologiques et physiques (oui, étrangler un chien, saccader, le priver de nourriture, de lui faire peur avec la voix ou les gestes, avec des objets bruyants, puants, douloureux sensoriellement - les disques d'entraînement, les sprays citronnelle, air comprimé, les colliers en chaînes, les colliers électriques, pousser, appuyer, contraindre, parler durement (spoiler alert, les chiens ne sont pas sourds et sont sensibles aux voix sévères, comme quand vous étiez petits, ça leur fait peur),... La liste est longue des sévices infligés aux chiens au nom d'une suprématie humaine. Et comme toutes les victimes de violences, les chiens peuvent finir par se fâcher, la colère étant l'émotion du trauma. Normal donc, que le chien traité comme un subordonné finisse par craquer et devenir agressif. C'est normal et universel, les violences génèrent des traumatismes chez la victime des violences, que soit un chien, un enfant, un cheval, une femme, etc. Et le traumatisme peut engendrer de l'agressivité. Spoiler alert, quand on est traumatisé et humain adulte, on se prend en main et on consulte un psy spécialisé, on n'évacue pas ses démons sur les autres, même avec des prétextes et des excuses. Et ce n'est pas à la victime de violences d'apprendre à encaisser mais aux auteurs de se soigner.
Deux vidéos sur le sujet :
Si vous êtes piégé.e dans le cercle vicieux et violent du rapport de force, vous pouvez faire appel à moi : je vous aide à apprendre à faire autrement, c'est mon métier !
Si vous vous rendez compte à la lecture de cet article que vous êtes dans un rapport de force avec votre chien, que vous baignez dans la théorie dominance - mâle alpha et que vous voulez en sortir (sinon, je ne peux rien pour vous et préfère éviter d'être en contact avec vous, merci d'avance), je peux vous accueillir et vous former à faire autrement. C'est possible et beaucoup de personnes font ce chemin. Pourquoi pas vous ?
