De la psychologie au métier de comportementaliste canin : mon histoire et ma mission

Tout a commencé en 1998… Du haut de mes 11 ans, je rencontrais celui qui allait devenir, quelques temps plus tard, un des êtres les plus importants de ma vie. Petit cheval de club battu sous mes yeux d’enfant, terrifié, tremblant, si effrayé par les humains mais si résigné à subir les lubies de ses cavaliers (il faisait les débutants et l'équithérapie, étant très facile sous la selle tant qu'on ne lui demandait pas autre chose que tourner en rond ou se balader), Jocker, qui deviendra mon premier cheval six ans plus tard, s’est peu à peu laissé apprivoiser. Au fil des années, c’est un lien inaltérable et d’une force hors du commun qui s’est tissé entre nous. Le petit cheval aux crises de violence intenses qu’il était lorsqu’on le braquait (ce qui arrivait à chaque fois qu’on tentait de le forcer à quoique ce soit), traumatisé par la main des humains, les obstacles et le maréchal, s’est peu à peu transformé en une montagne de tendresse et de gentillesse, d’accord pour tout pourvu que je lui demande avec politesse et douceur, d’accord pour tout pourvu que je sois là. Ainsi a débuté une immense histoire d’Amour qui a duré un peu plus de 20 ans, dont 14 années écoulées après son rachat « au prix de la viande ».

Adoption d’une chienne anxieuse et hyperactive

Par la suite, en 2010, j’adoptais, via une association de protection animale, une petite chienne créole de 6 mois, craintive et maigre à faire peur, avec ces grands yeux pleins d’histoires muettes qu’ont les chiens au passé douloureux. Cette association m'avait menti sur son gabarit (elle m'avait garanti qu'elle pesait moins de 5kg - c'était alors nécessaire pour ma vie de voyageuse, passant beaucoup de temps en avion et ne voulant pas lui imposer la soute) mais aussi sur son profil (elle m'a avoué qu'elle hurlait et détruisait quand elle restait seule la veille de l'adoption, et m'a caché, jusqu'aux aveux de la SPA de Saint-Denis à la Réunion, qu'elle était ingérable parce qu'elle sautait partout tout le temps) et cette pauvre chienne était cadavérique et très fuyante avec l'humain ; elle est d'ailleurs partie se cacher quand je suis venue l'adopter. Elle mangeait tout ce qu'elle trouvait, pillait les nids des oiseaux dans le jardin, ravageait la maison dès que je m'absentais, et après un mois à trembler, roulée en boule dans un coin, elle s'est mise à sauter partout, un vrai diable de Tasmanie ! Elle était terriblement stressée en permanence, et malgré mon application à faire comme on le disait dans les livres sur l’éducation des chiens qui m'expliquaient comment être un bon et un vrai chef de meute, avec toute la liste d'inepties hiérarchistes et spécistes qui vont avec, rien ne s’arrangeait. Destructions, vocalises, malpropreté, et quand j’essayais le rappel, soit elle tournait à fond les ballons en courant autour de moi, soit elle se sauvait ventre à terre dans la direction opposée… Non seulement ça ne s’arrangeait pas, mais en plus, cela empirait. Malgré le besoin viscéral de rester collé à moi de cette petite chienne tremblante, cette adoption, qui était sensée être un plaisir, virait au calvaire. Je constatais avec effroi que ma chienne commençait à avoir peur de moi.

Un beau matin, je me dressais soudainement dans mon lit, prenant conscience que je faisais fausse route. Je décidais alors de changer radicalement d’approche et de me renseigner sur une autre façon d’entraîner les chiens. Je me suis donc plongée alors dans l’apprentissage d’un « faire autrement » qui devenait vital pour notre vie quotidienne. En parallèle à la fin de mes études universitaires de Psychologie clinique, je découvrais, de fil en aiguille, l’entraînement en renforcement positif, et j’ai vu ma chienne se métamorphoser peu à peu, les destructions et les hurlements disparaissant, de nouveaux apprentissages s’ajoutant encore et encore avec une facilité déconcertante : elle obtenait ce qu’elle aimait par dessus tout, en échange de comportements enseignés de façon claire et compréhensible pour elle ; au final, j’avais repensé toute notre relation.

J’estimais avoir appris bien des choses. La vie était bien facile avec cette petite chienne enjouée devenue si sage, rigolote et agréable, que je pouvais emmener partout et avec qui je n’avais jamais de souci, maintenant que j’avais appris à faire autrement. L’année suivante, ma mère adoptait sur mes conseils une adorable petite chienne roumaine si facile à vivre malgré le fait qu'elle soit plutôt craintive, que c’en était déconcertant.

Daima, ou comment faire avec un chien qui devient hystérique à la moindre pression ?

Encouragée, je décidais de franchir le pas et j’adoptais un deuxième chien, adulte cette fois, fin 2011. Convaincue qu’il suffisait de connaissances et de beaucoup d’amour pour rendre n’importe quel chien facile à vivre et heureux. Je choisissais soigneusement un chien de 15 kg, présenté par l'association - une seconde association spécialisée dans le rapatriement de chiens roumains, auxquels je ne connaissais rien et qui les présentait comme des chiens domestiques normaux - comme très sociable avec les gens, les chiens et les chats, et adorant les grandes balades. Daima, alors âgé d’un an, quasiment 25kg de muscles et de traumas, est ainsi arrivé dans ma vie… Et en a fait un cauchemar. En quelques semaines, ce chien, né dans la rue en Roumanie et donc semi-sauvage, pour lequel l'association avait menti sur toute la ligne, avait anéanti mon quotidien, ma vie sociale et ma confiance en moi. Un bloc de dynamite incandescent avec des oreilles et une queue ! Mon chien, celui que j’avais attendu plusieurs mois et en qui j’avais placé de nombreux rêves en terme de relation et d’activités, était tout simplement ingérable. Il explosait au moindre bruit, attaquait chaque personne, chaque chien, rugissait à chaque nouveauté, chaque contact physique. Je ne pouvais pas le toucher et il ne supportait pas qu’on l’approche ni même qu'on le regarde. Il rampait comme si le sol s’ouvrait dès qu’il changeait de texture, dès qu’un bruit inconnu survenait, et bien d’autres choses encore, si incompatibles avec la vie avec une famille humaine vivant en banlieue parisienne ! Je sentais qu’avec ce chien là, il était tout simplement hors de propos d’utiliser une quelconque forme de contrainte ou de pression, mais aussi qu’il me faudrait bien plus que les quelques connaissances de base qui m’avaient permis de faire de Chichina un chien agréable à vivre et bien dans ses pattes.